Psychologie sociale : CM n°1 à 3

Perception des personnes

Introduction – Rôle actif du percevant (Leeper, 1934) :

Leeper a monté une des premières expériences qui montre que la perception d’autrui est active. L’expérience se déroule en deux étapes. Dans la première, on a deux groupes expérimentaux : à l’un on présente une image claire d’une jeune femme, à l’autre, de vieille femme. Puis, dans la deuxième étape, on présente aux deux groupes une image ambiguë de femme et on constate que les sujets de la première condition voient une jeune femme (100%) alors que ceux de la deuxième condition voient une vieille femme (95%).

On en conclut que les sujets structurent activement l’objet de leur perception et que cette structuration va dans le sens de leurs premières perceptions. Percevoir une personne est donc déjà se faire une idée sur elle.

Formation d’impression – Etudes de Asch (1946) :

Méthodes :

-          Comment présenter une personne ? Il y a plusieurs façons : la description, la liste de traits, la photo / image ou la vidéo.

-          Qu’est ce qu’on manipule (VI) ? La connotation des traits ou leur ordre.

-          Quelle est la tâche des sujets ? Choisir d’autres traits d’une liste pour continuer de caractériser la personne ou faire une description libre de celle-ci.

-          Qu’est ce qu’on mesure (VD) ? La proportion de traits (attribués) à connotation positive et négative, ou la connotation globale de la description libre.

Rôle des premières informations :

Asch s’est intéressé à la perception des personnes inconnues et cherchait à étudier l’impact des premières informations en fonction de leur connotation (traits à connotation positive ou négative).

Dans ses expériences, on présente, dans une première condition, une liste avec des traits à connotation positive en premier alors que dans la seconde condition on présente la même liste mais en commençant par les traits connotés négativement. Il y aura, dans le choix d’autres traits à attribuer à la personne décrite, plus de traits « positifs » pour la première condition et « négatifs » pour la seconde. Dans le cas de la description libre, certains même traits seront interprétés positivement ou négativement selon les conditions. Par exemple, « obstiné » sera interprété comme « avoir une suite dans les idées » (condition 1) ou plutôt comme « borné » (condition 2).

Les premières informations orientent donc la formation d’impressions. Les traits en apparence isolés deviennent « solidaires ». La signification d’un trait dépend du réseau de traits dans lequel il est inséré. L’impression se forme facilement (à partir de peu d’informations) et rapidement. Dans le cas de personnes inconnues, elle se forme « en direct ».

Statut particulier de certains traits :

Dans une autre expérience, Asch propose deux conditions avec deux listes identiques qui ne diffèrent que par un seul trait placé au milieu de la liste (« chaleureux » ou « froid »). On demande ensuite aux sujets de choisir de nouveaux traits et on constate une grande différence selon les conditions :

Traits nouveaux

Condition 1 (« chaleureux »)

Condition 2 (« froid »)

Généreux

Futé

Heureux

Bon vivant

Fiable

91%

65%

90%

94%

94%

8%

25%

34%

17%

99%

Pour vérifier si les différences observées ne sont pas dues à la connotation (chaleureux étant positif et froid, négatif) mais bien à un statut particulier des traits, Asch a remplacé les deux traits des deux conditions par « poli » (positif) et « insensible » (négatif). On obtient :

Traits nouveaux

Condition 1 (« poli »)

Condition 2 (« insensible»)

Généreux

Futé

Heureux

Bon vivant

Fiable

56%

30%

75%

87%

95%

58%

50%

65%

56%

100%

Les différences ne sont plus aussi marquées, voire n’annulent ou s’inversent. Certains traits ont donc un rôle central dans la formation d’impression (traits centraux) alors que d’autres ont un rôle secondaire (traits périphériques).

Organisation des idées sur les personnes :

Les « théories » priment – Asch et Théories implicites de la personnalité (TIP) :

Selon cette hypothèse, se sont nos théories naïves, implicites, qui structurent les informations sur les personnes. Ces théories sur la caractérisation des gens (ou catégories d’individus) sont parfois inconscientes : ce sont les TIP. Il s’agit de croyances générales sur la fréquence d’un trait, sa variabilité et ses liens avec d’autres traits.

Les résultats récents suggèrent que nous nous servons tous d’une métathéorie naïve (théorie très générale) organisés par deux dimensions : l’intelligence et la sociabilité. Ainsi, pour nous faire une idée sur une personne, nous avons surtout besoin de ces deux types d’informations.

A partir de traits utilisés par Asch dans ses premières expériences (intelligents, habile, travailleur etc.) nous apprenons d’emblée que la personne décrite est intelligente mais nous n’apprenons rien aussi directement sur sa sociabilité. Par contre, les traits « chaleureux » et « froid » renseignent non seulement sur la sociabilité mais correspondent de plus aux extrêmes (positivement et négativement) de cette dimension. Leur statut particulier est donc dû à l’organisation de la métathéorie naïve.

Les « faits » priment – Etudes et modèles d’Anderson :

Selon Anderson, l’impression globale dépend de la manière dont on combine (intègre) les informations qui nous parviennent Chaque information à propos d’une personne :

-          peut être évaluée sur une échelle de favorabilité (de -2 pour pas du tout favorable à +2 pour très favorable) et avoir un score différent.

-          peut avoir un poids (une importance) différentes (de 1 pour aucune à 3 pour très important) qui peut varier selon les conextes.

Exemple :

Traits

Modèle « somme »

Modèle « moyenne »

Modèle avec pondération (cours)

Modèle avec pondération (discothèque)

Jean

       

Retardataire

-1

-1

-1x2 = -2

-1x2 = -2

Honnête

2

2

2x1 = 2

2x1 = 2

Séducteur

1

1

1x1 = 1

1x3 = 3

Globalement

2

2/3 = 0,7

1/3 = 0,3

3/3 = 1

Marie

       

Brillante

2

2

2x3 = 6

2x1 = 2

Laide

-2

-2

-2x1 = -2

-2x3 = -6

Globalement

0

0/2 = 0

4/2 = 2

-4/2 = -2

Les travaux d’Anderson ont eu relativement peu d’écho auprès des psychologues sociaux. Son matériel expérimental était considéré comme peu impliquant, complexe et lourd (les sujets reçoivent plusieurs profils à la fois, comportant beaucoup d’informations positives et négatives, etc.) bien que correspondant à des situations quotidiennes où l’on doit traiter une multitude d’informations écrites sur des personnes inconnues (sélection de candidats sur dossier, recrutements, par exemple). Cependant le modèle de moyenne avec pondération semble bien correspondre au fonctionnement des impressions spontanées.

Continuum – Modèle de Fiske et Neuberg (1990) :

Il s’agit d’un compromis entre les deux premières théories. Selon Fiske et Neuberg, nous procédons en deux étapes : nous nous référons à nos théories naïves avant de les confronter aux informations. Ce modèle implique une distinction entre l’information « catégorielle » et « individualisante ». La première correspond à nos connaissances ou croyances à propos de la catégorie d’appartenance de la personne (femmes, étrangers, psychologues etc.). La seconde correspond à ce que nous savons (apprenons) sur la personne elle-même (prénom de la personne par exemple). Ce sont les premières informations qui activent le plus facilement et automatiquement nos TIP. Ce modèle part du principe que les informations sur l’appartenance catégorielle (inférées ou directement disponibles), en intervenant souvent en premier, orientent notre impression sur une personne (cf. les théories priment). Lorsque nous maintenons le contact avec cette personne, ces informations sont confrontées à d’autres qui peuvent les confirmer ou les infirmer (cf. les faits priment).

Il y a donc :

-          Catégorisation initiale de la personne.

-          Essai de confirmation (si oui : stop ; sinon : étape suivante).

-          Re-catégorisation éventuelle.

-          Essai de confirmation (si oui : stop ; sinon : étape suivante).

-          Jugement individualisé.

Attribution causale :

Perception, attribution sociale et attribution causale :

Une source importante d’informations sur une personne est l’observation de son comportement. En règle générale, elle conduit à de nombreuses inférences qui ont pour but d’anticiper les réactions d’autrui pour pouvoir s’adapter. Mais pour pouvoir les anticiper, il faut les comprendre, les expliquer, d’où les attributions causales.

On cherche une explication (« pourquoi etc. »). Une attribution causale est une inférence ayant pour objectif d’expliquer un événement ou de déterminer les dispositions d’une personne. Une attribution correspond à « une cause » perçue, elle peut d’ailleurs être erronée. Les conditions favorables à une attribution spontanée sont les situations d’incertitude, d’échec et les événements inattendus.

Théorie des inférences correspondantes de Jones et Davis :

Cette théorie concerne uniquement :

-          les attributions faites par un observateur (pas par l’acteur).

-          les attributions dispositionnelles (causes internes) et non situationnelles.

-          les attributions faites à partir d’une seule observation.

On parle des inférences correspondantes car on s’intéresse aux conditions dans lesquelles un observateur externe établit une correspondance entre un comportement (« il m’a fait un cadeau ») et une disposition (« il est généreux »). Pour établir cette correspondance, l’observateur cherche à savoir :

-          si l’acteur avait la liberté du choix.

-          si on ne peut pas expliquer son acte par la désirabilité sociale.

-          si on est certain des effets distinctifs (savoir si l’acteur a bien fait quelque chose de particulier).

Conclusion générale :

La formation d’impression est une activité très fréquente, indispensable. Elle est orientée :

-          par la connotations des premières informations.

-          par le statut particulier de certaines informations (traits centraux).

-          par les théories naïves dont la métathéorie.

La perception d’une personne, qui comporte la formation d’une première impression, est une activité complexe. Elle exige un travail d’intégration et parfois conduit à une remise en question de nos théories naïves. Elle est étroitement liée à l’explication causale des comportements observés dont l’attribution dispositionnelle.

 

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