Psychopathologie : TD n°1

Mme Chuoniam

Philippe Pinel

Présentation de l’auteur :

Il est le fondateur de la psychiatrie en France et même en Europe pour avoir inventé le traitement moral et crée l’institution asilaire. A Toulouse, il entreprend des études de médecine où il fut reçu docteur à 28 ans. En 1778, il part pour Paris avec l’espoir d’y faire carrière. Il est nommé à la direction de la gazette de santé en 1784. A partir de 1786, Pinel travaille à la maison de santé de Belhomme où il traite pour la première fois des malades mentaux (avant ils étaient brûlés ou enchaînés). Ce fut donc à 40 ans passés qu’il commença sa brillante carrière d’aliéniste. Grâce à une immense culture philosophique et des idées humanistes, il put découvrir que l’aliéné n’était pas un être différent et que les principes de l’hygiène mentale pouvait être appliqués. Il n’a cependant pas pu traiter les malades comme il le souhaitait et part donc à Bicêtre en 1793. Il fut très marqué par ce lieu sinistre où seul l’infirmier Pussin et sa femme occupaient des fonctions de surveillance. Cette expérience pénible fut à l’origine de la rédaction d’un mémoire : « observation sur la manie pour servir l’histoire naturelle de l’Homme ». Pinel a centré ce mémoire sur la manie comme modèle nosologique central de la folie ainsi que sur le traitement moral. Il quitte Bicêtre en 1795 et restera longtemps marqué par le mythe du geste de la libération des insensés de leurs chaînes. De 1795 à 1826, Pinel occupera le poste de médecin-chef à la Salpetrière.

Sa nosologie (classification des maladies) :

C’est d’abord comme nosographe et clinicien que Pinel reste dans l’histoire de la médecine. Il a individualisé les maladies mentales. Il ne considère plus les malades mentaux comme des insensés mais bien comme des malades. Il refuse le terme de folie pour adopter celui de vésanie (égarement, dérèglement de l’esprit). Dans son « traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie », il propose une classification des vésanies. Dans la première édition, Pinel ne se centre que sur la manie considérée comme un délire général et dans la deuxième édition, il propose une classification en quatre espèces de vésanies :

-          La simple mélancolie : délire partiel dirigé sur un seul objet.

-          La manie : délire général plus ou moins marqué avec un état d’agitation.

-          La démence : débilité particulière des opérations de l’entendement qui prend tous les caractères d’une rêvasserie sénile. Les idées sont incohérentes entre elles et sans aucun rapport avec les objets extérieurs. La faculté de penser est abolie et on constate l’oubli complet de tout état antérieur. Elle s’observe dans la dernière période de la vie.

-          L’idiotisme : degré ultime de la vésanie. Il s’agit d’un affaiblissement mental plus profond que la démence. Il y a abolition absolue des fonctions de l’entendement. La plupart des idiots ne parlent pas ou se bornent à marmonner quelques sons inarticulés. Leur figure est inarticulée, hébétée (stupeur) et leurs mouvements sont automatiques (stéréotypie motrice).

Étiologie :

Pour Pinel, l’aliénation mentale peut provenir de causes physiques mais également morales. C’est la première fois qu’est introduite la notion de cause morale. Pinel reste fidèle à la théorie des humeurs mais pas complètement. Il reconnaît également que les causes de l’aliénation sont soit prédisposantes (héréditaires), soit occasionnelles (liées à des facteurs, événements extérieurs). Il ne croit pas à une organogenèse cérébrale directe (maladies mentales qui proviendraient de la lésion cérébrale) car il pense que les lésions cérébrales sont trop graves pour ne donner que des troubles mentaux. Il va considérer que la maladie mentale est consécutive à des atteintes viscérales elles-mêmes provoquées par les émotions, les passions.

Thérapeutique :

Le traitement moral :

La véritable révolution pinelienne se situe dans la découverte du traitement moral et d’une nouvelle relation avec l’insensé. Cette découverte prendra une dimension universelle avec la publication de son traité qui signe un moment capital dans l’histoire car il apporte un regard nouveau sur la folie : le fou n’est plus un insensé mais seulement un aliéné de l’esprit. La communication avec l’aliéné reste possible car sa raison n’est jamais totalement perdue et c’est cette reconnaissance d’un reste de raison chez l’aliéné qui permet le traitement moral.

Trois caractéristiques sont mises en avant dans le traitement moral :

-          La douceur : Pinel préconise de parler avec douceur pour favoriser la relation de confiance.

-          La bienveillance : il faut essayer d’écouter, de compatir et laisser le malade s’exprimer pour qu’il s’améliore et puisse retrouver sa dignité de personne.

-          La persuasion : il s’agit de convertir le patient au système de croyance du médecin, c’est à dire le pousser à faire du médecin son idéal et lui imposer l’ordre de la raison. Il faut qu’il y ait un jeu de séduction auquel Pinel se laissera prendre et renforcera en conséquence son autorité vis à vis de l’aliéné. Il faut savoir se faire craindre de l’aliéné, que le médecin soit un personnage redoutable et inattaquable. Le but est de normaliser le malade. Le médecin sait ce qu’est la normalité et connaît le moyen d’y parvenir.

On peut s’étonner d’une telle évolution puisque Pinel avait redonné à l’insensé un statut de sujet, avait forcé la folie à intégrer le cadre de la raison et à cause de ce nouveau mode d’approche autoritaire, le traitement moral aboutira à un échec en quelques décennies.

L’asile :

Pour Pinel, les traitements médicamenteux n’ont qu’une importance secondaire. Dans la deuxième édition de son traité, il montre l’importance de l’asile comme cadre nécessaire au traitement moral. C’est aussi un cadre pour classer les malades mentaux et les mettre à l’écart de l’entourage. Le médecin aliéniste doit être un directeur organisant le réseau relationnel à l’intérieur de son service. On peut dire que Pinel, avec de telles conceptions, sera le précurseur de la mise en place d’une réglementation psychiatrique qui trouvera son cadre dans la loi du 30 juin 1838.

 

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