Psychopathologie : CM n°1&2 Le champ de la psychopathologie Quelques définitions : Souffrance : Toutes les manifestations psychiques et les comportements dont souffrent les individus. Pathologie : Un certain nombre de manifestations psychiques et comportementales désignées comme anormales par la communauté. D’une culture à une autre, la pathologie n’est pas la même. Il y a une continuité du normal au pathologique (Freud). Les mêmes mécanismes sont mis en jeu mais parfois exacerbés. Quand une pression n’est plus supportée, il y décompensation. L’objet de la psychopathologie est la pathologie mentale avérée (décompensée) et également les conséquences et effets de pathologies de toutes sortes (somatiques par exemple). La souffrance n’a pas besoin d’être exprimée pour faire l’objet de la psychopathologie. Sémiologie : Ensemble des signes qui permettent de reconnaître une maladie ou un état pathologique. Les signes s’organisent en syndromes. Le signe est du côté du clinicien (pour faire un diagnostic) alors que le symptôme est du côté du patient (ce qui est présenté). Les deux ne correspondent pas toujours : " le signe concerne ce que voit et entend le clinicien, et le symptôme concerne ce que dit et ressent le sujet ". Un signe isolé n’a aucune valeur diagnostique. Maladie : Le concept de maladie a été introduit par Sydenham au 17ème siècle. La maladie est caractérisée par un ensemble de signes, le plus souvent de syndromes. Pour agir sur ces signes, on en cherche la cause : l’étiologie. Dans les maladies mentales, il n’y a pas vraiment d’étiologie certain (causes extrêmement multiples). Une fois la maladie identifiée, on a fait entrer dans une nosographie (classification des maladies). Historique : L’intérêt pour la phobie s’est illustrée dès l’antiquité (avec Hippocrate notamment). Certains termes proviennent de cette époque. La clinique, par exemple, est l’observation individuelle au plus près. Tout s’expliquait par la théorie des humeurs avec quatre grands types (correspondant aux quatre éléments) exprimés par le sang, le phlegme, la bile jaune et la bile noire. On ne distingue pas la maladie mentale de la maladie physique. Après l’antiquité, les écrits sont repris par la médecine arabe et du moyen orient qui conservent la théorie des humeurs puis revient avec l’invasion des Maures. Au niveau du moyen-âge, on distingue très peu de théories avec un contraste entre la charité, l’accueil du fou et le rejet, la peur, la diabolisation de celui-ci (" fou " se disait " fol " au 11ème siècle). Sur le plan de la médecine savante, les études se fondent sur un désordre physiologique. La renaissance va marquer une coupure avec le retour des savoirs conservés par les Arabes. On commence à parler de séparation entre l’âme (immatérielle et divine) et l’esprit (matériel et sensible). On considère qu’il est possible de mieux connaître cet esprit par les progrès de la connaissance. Au 17ème et 18ème siècle, on observe peu à peu un passage du divin au rationnel : on recherche des signes objectifs. Des écoles médicales naissent et la folie perd peu à peu son caractère magique. Dans un premier temps, les fous ne vont pas connaître un sort plus favorable (ils restent toujours dans leurs familles ou errant), mais progressivement on les isole dans des établissements (maison de correction en Angleterre, hospices en France : l’hôpital général en 1656 crée par Louis XIII par exemple). On y enferme pêle-mêle des insensés, des vagabonds, des débauchés et des oisifs. Une loi interdit la mendicité et favorise l’internement des insensés. Les structures sont semi-juridiques mais dominées par le roi (lettres de cachet). Il y aura un amalgame abusif de pathologies hétérogènes qui subiront le même traitement. Michel Foucault appellera ça " la grand renfermement ". C’est le point de départ de la mise en ordre de la société qui conduit à l’isolement de la folie. C’est à la fin du 18ème siècle qu’on constate une amélioration (et c’est à cette période qu’on fait démarrer l’histoire de la psychopathologie) engendrée par un changement des mentalités par la révolution et le mouvement des lumières. C’est le début de la médicamentation pour la folie. On cherche à améliorer le sort des aliénés, à les sortir des lieux de répression et on les déplace dans les asiles. Jusqu’à la moitié du 18ème siècle, la notion d’aliénation mentale prédomine. On désigne sous le terme de folie une maladie distincte des autres maladies, unique, qui consiste en des désordres de la conduite. Auteurs : Philippe Pinel (1745-1826) : C’est lui qui va travailler sur les institutions et donne naissance à la conception moderne de la psychiatrie. En 1793, il décide de retirer les chaînes aux aliénés à Bicêtre. Il écrit le " traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ". Il va essayer de séparer les malades des criminels, d’améliorer leur image. Il tente de récuser le terme de folie (terme peu précis) et parle d’aliéné en en faisant un concept médical. Pour la première fois, il décide d’établir un traitement moral (sous forme de rituels ou activités par exemple). Il faut parler et essayer de raisonner le malade même s’il y a une relation asymétrique. L’aliénation peut provenir de toutes sortes de causes hétéroclites, aussi bien physique que morales. Pinel reconnaît par exemple, les coups portés sur la tête, l’hérédité, l’éducation vicieuse, les excès de liqueur, les suites de couches, des irrégularités extrêmes dans la manière de vivre. Il part de l’idée qu’il reste une part de raison saine chez le malade : importance de l’aspect moral. Étienne Esquirol (1772-1840) : C’est le premier à assembler les signes psychiatriques : début de la sémiologie psychiatrique avec " des maladies mentales considérées sous leur rapport médical, hygiénique et médico-légal " ( la responsabilité des actes est abordée dans cette œuvre). C’est le premier à caractériser quelques signes pathologiques et surtout à les spécifier (en quoi ils différent les uns des autres). Il est continuateur de Pinel et de son traitement moral mais pousse plus l’aspect de toute puissance du médecin (utilisation de chocs comme les douches froides etc.) Le résultat est un peu stérile. Esquirol met en place la loi du 30 juin 1838 qui définit deux sortes de placements (avant c’était être privé de sa liberté, sans son accord) :
Au 19ème siècle : On instaure une classification dans laquelle on distingue les maladies mentales les unes des autres. On s’intéresse plus particulièrement aux délires (très fréquents). On définit les thèmes des délires : délire de persécution (très courant) définit par Lasègue. Plus tard, en 1909, Sérieux et Capgras décrivent le délire d’interprétation (élaboré à partir d’interprétations délirantes). Ils le considèrent comme une folie raisonnante (s’apparentant à la paranoïa) dont ils dégagent trois formes de thèmes avec ce mécanisme d’interprétation : la persécution, l’érotomanie (conviction délirante que quelqu’un vous aime), jalousie délirante. Charcot (1825-1893) : C’est un neurologue qui travaillait à la Salpetrière. Son premier mérite est de distinguer l’hystérie de l’épilepsie mais il considère que l’hystérie a des causes nerveuses. Il utilise la méthode anatomoclinique dont l’idée est de faire correspondre des signes visibles de la maladie avec des lésions localisées dans le cerveau. Il imagine que ce serait davantage des lésions fonctionnelles. Il va démontrer qu’il existe une hystérie masculine. Il va décrire l’hystérie avec ses grands symptômes comme l’attaque hystérique (la grande crise). Charcot utilise l’hypnose comme outil clinique afin de montrer les symptômes de l’hystérie (et non comme outil thérapeutique). Pour lui, il existe un terrain hystérique qui est lié à cette capacité à être hypnotisé qu’il explique par une faiblesse nerveuse sans passer à côté du côté subjectif et symbolique des symptômes : " c’est selon la représentation mentale qu’a le patient de ses troubles que les symptômes sont reproduits ". Il considère qu’il y a donc des facteurs mentaux, psychologiques, qui interviennent. Les deux plus grands élèves de Charcot sont Janet et Freud. Janet (1851-1926) : Dans un premier temps, il est fidèle à Charcot et fait des travaux cliniques sur l’hystérie et notamment la psychasthénie. Sa psychopathologie repose sur sa méthode clinique : une rencontre et un examen des malades pour donner des explications psychologiques à des phénomènes pathologiques. C’est à Janet que l’on doit la notion de subconscient : " ce qui est en dessous de la conscience " qui est de nature psychique. Plus tard, il rejoindra les méthodes de Freud et se détachera de Charcot. Kraepelin (1856-1926) : Le 20ème siècle est dominé par l’émergence de la psychologie clinique et thérapeutique. Kraepelin est un psychiatre allemand qui a fait une très grande œuvre nosographique qui sera élaborée et remaniée de 1895 à 1910. Il va s’attacher aux différents types de psychose, état psychique caractérisé par une altération profonde de la conscience du sujet (trouble grave de l’identité et du rapport à la réalité) qu’il pense héréditaire (vision plutôt fataliste). Il distingue deux types de psychose : la démence précoce (appelée plus tard schizophrénie) et la psychose maniaco-dépressive (PMD). Selon lui, il y a deux méthodes de traitement selon qu’elle est curable ou incurable. Bleuler (1857-1939) : Il travaille sur la démence précoce et introduit le terme de schizophrénie qui consiste en une rupture de l’unité psychique : dissociation intra-psychique faisant intervenir ambivalence, bizarrerie, impénétrabilité et détachement (ABIB). Il développe la théorie des signes primaires et secondaires pour l’étude de la schizophrénie : les signes primaires ne proviennent que du processus biologique de la maladie alors que les signes secondaires peuvent trouver une explication psychique : " ce sont les réactions psychopathologiques du patient à sa souffrance ". Bleuler est influencé par Freud et parle de psychogenèse des signes secondaires qui deviennent interprétables et permettant d’accéder à un sens inconscient. Freud (1856-1939) : Fondateur de la psychanalyse, il est médecin et élève de Charcot avec l’hypnose. Il travaille à Viennes avec Breuer et étudie l’hystérie avec l’hypnose. C’est le cas Anna O. qui va les intéresser particulièrement car le simple fait d’avoir évoqué et parlé de ses symptômes l’a guérie. C’est à partir de là que Freud entrevoit un moyen de guérir le patient par la parole. Il va utiliser l’hypnose pour aider les patients à se remémorer des scènes traumatiques : moyen cathartique. Mais il constate des résistances à l’hypnose. Il va continuer à élaborer sa théorie sur des déterminants psychiques de la maladie mentale et va se centrer peu à peu sur une méthode basée uniquement sur la parole : méthode d’association libre. La grande innovation de la théorie freudienne est le poids de la sexualité dans le développement psychique, notamment avec sa théorie de la sexualité infantile, ainsi que l’introduction de l’inconscient dont il fait un lieu dans son modèle de l’appareil psychique. Il va distinguer trois points de vue dans la construction de l’appareil psychique :
De Clérambault (1872-1934) : C’est un psychiatre qui a travaillé dans l’infirmerie spéciale de la préfecture de police de Paris. C’est un endroit où l’on emmène les gens à mi-chemin entre délinquance et pathologie. Il s’intéresse à la psychose et met en avant un mécanisme appelé l’automatisme mental. C’est une idéation autonome : les idées se font toutes seules. Les personnes atteintes de ce syndrome entendent des voies, sont parasitées ou " obligée " à penser, subissent un écho de la pensée. Il y a aussi des troubles moteurs avec des gestes automatiques mais l’impression de ne pas être maître de ses pensées et actes. C’est un phénomène toujours d’actualité qui De Clérambault expliquait d’un point de vue organique (ce qui a été critiqué). |