Psychologie clinique : CM n°4&5

Introduction du normal au pathologique

Le normal et le pathologique en médecine :

La maladie :

Il s’agit d’une altération organique ou émotionnelle appréciée dans son évolution comme une entité définissable et repérable. Il s’agit d’un ensemble de signes regroupés en un syndrome. La biologie a laissé pour compte la notion de maladie au départ. Grâce aux travaux de Canguilhem, médecin et philosophe, on s’interroge sur la question de normal et pathologique. Il ouvre la voie d’accès aux savants du 19ème siècle qui spéculent sur le fait que les phénomènes pathologiques sont identiques aux phénomènes normaux et correspondent aux variations quantitatives d’un même processus. Cette conception de la maladie s’inscrit dans un processus dynamique. Pour Leriche, la santé c’est la vie dans le silence des organes. La maladie c’est ce qui gène les hommes ans l’exercice normal de leur vie, dans leurs occupations et surtout ce qui les fait souffrir.

La maladie inclut l’expérience du malade :

L’homme pathologique est confronté à une limite dans son fonctionnement et on observe une réaction différente ou catastrophique. C’est le sujet qui détermine, en fonction de ce qu’il sait des critères de maladies connues, ce qui n’est plus normal. En se plaignant, il introduit une part objective et subjective de cette appréciation qui va signaler la maladie et soutenir sa démarche pour consulter. Il s’agit, dans ce mode de lecture, d’une expérience subjective qui interfère dans la maladie organique.

La maladie et la norme sont fixées par le malade :

Canguilhem, qui a écrit Le normal et le pathologique, cite : « en fait, en droit, c’est parce qu’il y a des hommes qui se sentent malades qu’il y a une médecine et non l’inverse. » L’auteur récuse les critères objectifs de normativité : il n’y a que des variances. La notion d’anomalie, dans sa définition, est ce qui est inégal et irrégulier. Une anomalie n’introduit pas forcément la maladie, elle peut le devenir, en fonction du milieu environnant. (exemple : une anomalie congénitale ventriculaire n’évolue pas forcément vers des troubles cardiaques, mais le stress peut en entraîner par contre). Le facteur social, les conditions sociales de vie en matière d’hygiène, économiques, écologiques, influent donc sur la santé de l’individu et sur sa longévité. Pour les biologistes, le corps humain est en interaction permanente avec son milieu de vie : cette interaction introduit le concept de niche écologique.

Selon Winnicott, de bonnes conditions sociales favorisent un bon développement. Selon Canguilhem, être en bonne santé c’est aussi avoir la capacité de tomber malade et de se relever. Il a étudié du normal au pathologique en ce qui concerne les troubles psychiques.

Le symptôme est un signe qui exprime une souffrance, un mal de vivre, lié à un trouble psychique. Le symptôme peut être passager (deuil, séparation) introduisant un état dépressif passager mais qui ne génère pas la dépression grave. Le symptôme est présent dans toutes les pathologies.

Les névroses :

La névrose est une affection psychogène où le ou les symptômes expriment symboliquement un conflit psychique qui trouve ses racines dans l’histoire infantile du sujet et constitue un compromis entre le désir inconscient et la défense.

Les psychoses :

Ce concept vaste recouvre un ensemble de maladies mentales d’origine organique et génétique comme la schizophrénie. En psychanalyse, il n’y a pas de classification spécifique. On distingue surtout les structures paranoïaques et schizophrènes d’une part et d’autre part la mélancolie et la manie qui ont pour origine les effets du contact avec la réalité (sur fond de délire) dans la psychose.

Les états limites :

C’est une maladie qui n’a pas été nommée par Freud mais c’est Bergeret qui propose en 1974 ce concept comme astructuration de la personnalité : l’économie limite. C’est une pathologie entre la névrose et la psychose.

La théorie psychanalytique et la psychopathologie de la vie quotidienne :

L’acte manqué :

L’acte manqué est un acte où le résultat explicitement attendu n’est pas atteint mais se trouve remplacé par un autre. C’est un acte psychique complet qui a toujours un sens. Il peut être accompagné d’oublis ou d’erreurs.

Analogie entre l’acte manqué, le rêve, et le symptôme névrotique :

C’est Otto Rank, qui a écrit en 1924 Le traumatisme de la naissance, qui établit une équivalence entre l’acte manqué et le rêve. Il montre que l’acte manqué qui a eu lieu la veille d’un rêve devient l’entrepreneur de celui-ci et guide l’expression des désirs inconscients. L’acte manqué peut aussi se répéter et même devenir un symptôme névrotique. L’acte manqué, le rêve et le symptôme névrotique mettent tous en scène un conflit psychique exprimant la lutte contre un désir et une défense contre ce désir. L’expression de ce désir se manifeste par un compromis psychique exprimé par :

-          le raté de l’intention consciente dans l’acte manqué.

-          le contenu manifeste, les images, pour le rêve.

-          le symptôme névrotique dans le cas de névrose.

Le normal et la pathologique en psychologie clinique :

L’adaptation – Les normes en psychologie clinique :

Du point de vue de la psychologie clinique, la conception du normal et du pathologique se définit aussi en fonction des normes sociales implicites. Pour Winnicott (1967) la santé c’est la maturité qui correspond à l’âge du sujet. Le développement du soi et la conscience de soi ne sont pas plus sains s’ils apparaissent trop tôt ou trop tard. Il faut qu’il y ait une cohérence entre la maturité biologique et psychologique. Pour Colette Chiland (1972) le praticien ne saurait se passer des critères de valeur de santé mentale au sein d’une continuité qualitative du normal et du pathologique, critères qui attribuent au clinicien son statut, le confirment dans son statut, le déterminent à commencer ou non son travail. Il y a une continuité du normal au pathologique mais qui est prise dans les normes sociales alors que le clinicien ne doit s’intéresser au patient que dans son individualité et dans ses positions internes par rapport à ces normes.

Selon Freud il n’y a pas de différence qualitative mais quantitative entre le normal et la pathologique. Ce qui veut dire que la conception de l’anormalité est prise malgré tout dans les normes subjectives du patient. Les pervers, qui ne consulteront jamais parce qu’ils se complaisent dans leur façon d’être, ne sont pas pour autant normaux. Colette Chiland met en garde de ne pas interpréter les phénomènes psychiques des autres cultures qu’à la seule lumière de la psychanalyse car il faut connaître le sens donné à un discours avant de l’interpréter. L’adaptation constitue un processus qui amène le sujet vers l’indépendance et l’autonomie.

Le risque psychique :

Winnicott part du principe que le bébé arrive avec des tendances (des compétences) héréditaires ou innées, et doit bénéficier d’un milieu suffisamment bon pour faciliter son développement. La mère suffisamment bonne représente en premier lieu ce milieu. Elle peut y parvenir grâce à une sensibilité spécifique liée à la maternité qui Winnicott nomme la préoccupation maternelle primaire. Cet état permet une adéquation des réponses maternelles aux besoins singuliers de l’enfant dans une relation circulaire nommée dyade. La relation du pontage physique et psychique, qui perdure entre la mère et le bébé, est nommée holding (contenant). Ce holding prend le relais de l’enveloppe utérine dans une relation fusionnelle. L’adaptation maternelle aux soins du bébé est nommée handling. C’est grâce à cette continuité de soins que le bébé acquiert un sentiment d’exister. Cependant pour Winnicott, le milieu intègre aussi les fonctions paternelles, familiales et de la société.

Le risque psychique se retrouve également au niveau du développement psycho-sexuel du bébé parce qu’il est confronté à ses fantasmes. Winnicott évalue la santé en fonction de la position du ça (réservoir pulsionnel), de l’immaturité des instincts qui doit être refoulée pour traverser les stades du développement psycho-sexuel. Winnicott préconise l’intégration comme un processus qui obéit à la maturation progressive intégrant une alliance somato-psychique (corps-psyché). Pour Winnicott, l’intégration de l’unité corporelle est nécessaire dans cette alliance par rapport aux fantasmes du corps morcelé (non-unité du corps chez le bébé). La relation aux autres (à la mère en particulier) est déterminée par une expérience d’omnipotence qui est une base nécessaire pour permettre au bébé d’affronter la frustration et d’accepter la réalité. Pour Winnicott, un mauvais accompagnement (de la mère) contribue à une adaptation de surface chez l’enfant : le faux-soi (ou faux-self).

Le concept d’individu sain de Winnicott :

Pour Winnicott, des gens sains traversent trois vies :

-          La vie dans le monde avec les relations inter-personnelles qui permettent aussi d’utiliser le milieu non-humain.

-          La vie de la réalité psychique personnelle qui s’exprime par le potentiel de créativité. De cette vie jaillit également le rêve.

-          L’ère de l’expérience culturelle par le jeu, c’est à dire que l’enfant projette dans le jeu sa réalité intérieure. Cette projection va se poursuivre à travers une sublimation dans ce que Winnicott appelle un espace potentiel entre mère et enfant, à condition que l’enfant ait développé une grande confiance en sa mère, ce qui lui permet, dans cette séparation, de mettre à profit sa créativité, son imagination (phénomène transitionnel pour Winnicott). La culture participe ainsi à dompter les instincts de l’homme, proche de celui des animaux, en assurant la sublimation des ces instincts.

 

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